Cette fois-ci, c’est officiel! La courte échelle et Boutique Jacob Inc. sont en faillite. Ces deux fleurons de l’économie québécoise ferment irrémédiablement leurs portes, ce qui aura des répercussions sur bien des gens.
Une faillite litigieuse pour La courte échelle
La mise en faillite de La courte échelle, le 10 octobre 2014, a attristé nombre de personnes en raison du créneau important que cette entreprise occupait au sein du paysage littéraire québécois. Cependant, c’est plutôt la question du traitement des droits d’auteur qui a fait couler beaucoup d’encre.
Le problème tient à une contradiction entre deux lois. Les auteurs ont toujours cru qu’une clause figurant dans leurs contrats leur permettrait, dans l’éventualité d’une faillite, de se réapproprier leurs droits d’auteur. Or, l’article 83 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LFI) a préséance sur cette clause, ainsi que sur la Loi sur le statut professionnel des artistes du Québec sur laquelle cette clause s’appuie.
L’article 83 de la LFI prévoit trois avenues possibles en ce qui concerne le dossier de La courte échelle :
- Les droits d’auteurs retournent à l’auteur si l’ouvrage n’a pas été publié et qu’il n’a pas occasionné de dépenses de la part de La courte échelle. Le contrat en vigueur entre l’auteur et la maison d’édition devient alors nul.
- Les droits d’auteurs retournent à l’auteur à condition que:
- le livre ne soit toujours pas offert en librairie;
- l’auteur rembourse La courte échelle pour les travaux déjà effectués — révision, correction, mise en pages, etc.
Par la suite, le contrat en vigueur entre l’auteur et la maison d’édition devient nul.
- Les droits d’auteurs retournent au syndic de faillite si le livre est déjà publié. Il incombe alors à ce syndic de revendre ces droits d’auteur. Les sommes d’argent ainsi récupérées sont ensuite distribuées entre les divers créanciers de La courte échelle afin d’éponger une partie de leurs pertes.
Évidemment, le scénario 3 s’applique à la majorité des auteurs. Ironiquement, bon nombre d’entre eux font également partie des créanciers, puisque La courte échelle a accumulé plus de 300 000 $ en redevances impayées. Au total, les dettes de cette entreprise s’élèvent à 4,1 millions $.
Le processus d’appel d’offres a débuté le vendredi 31 octobre 2014. Au nombre des scénarios possibles, figurent :
- Une maison d’édition dépose une offre pour racheter tout le catalogue de La courte échelle. Ce scénario serait certainement idéal pour les créanciers, mais y a-t-il une maison d’édition qui a les moyens de racheter une entreprise de quelques millions de dollars?
- Une multinationale décide de saisir l’occasion pour se lancer dans l’édition en rachetant tout aussi bien le catalogue que la raison sociale de La courte échelle. Cependant, pour qu’une multinationale procède à une telle acquisition, des études de marché doivent généralement être menées et des plans d’affaires, élaborés, tout cela pour s’assurer que les conditions sont favorables. Mais toutes ces démarches prennent du temps.
- Des offres pourraient être déposées pour acquérir séparément les différents catalogues de La courte échelle (littérature jeunesse, livres pratiques et littérature adulte). On pourrait même voir des offres visant des droits d’auteurs bien précis, ce qui aurait pour effet de fragmenter les catalogues. Dans un tel scénario, les produits de la vente pourraient être moins élevés puisque les œuvres moins connues et les droits d’auteurs associés ne trouveraient peut-être pas preneur.
Reste à voir également dans quelle mesure le gouvernement interviendra. La ministre de la Culture et des Communications du Québec Hélène David a déjà promis que le gouvernement entend « aider les illustrateurs [et] les auteurs à récupérer les redevances des droits d’auteurs qui leur reviennent. »
Aucun acheteur intéressé à acquérir Jacob
En mai dernier, les ennuis financiers de Boutique Jacob Inc. ont été exposés au grand jour. Le détaillant de vêtements pour femmes a en effet alors confié à un syndic de faillite, tout en se protégeant contre ses créanciers, le mandat de trouver un acheteur éventuel. Un avis d’intention de faire une proposition concordataire avait été déposé.
Question de rendre l’entreprise plus rentable et de susciter l’intérêt d’acheteurs éventuels, une importante opération de restructuration avait été amorcée. Cette restructuration incluait notamment :
- la fermeture de 52 boutiques (seuls les magasins situés au Québec et en Ontario devant demeurer en exploitation);
- l’abolition de plusieurs postes au siège social de l’entreprise, situé à Montréal;
- l’embauche de Mme Élaine Zakaïb à titre de chef de la restructuration et de vice-présidente, Stratégie et Finances;
- le plan de relance de Mme Zakaïb, lequel misait notamment sur l’offre de vêtements « faits au Québec » (design, conception, confection et fabrication d’origine québécoise).
Malheureusement pour Boutique Jacob Inc., six mois après le début du processus de restructuration, aucun acquéreur éventuel n’avait déposé d’offre. Son fondateur, M. Joseph Basmaji, aurait alors envisagé de racheter l’entreprise, mais, compte tenu du volume décevant des ventes enregistrées cet automne, il aurait abandonné l’idée. Les perspectives de relance n’étaient donc certainement pas encourageantes en raison du contexte économique difficile et de l’évolution des habitudes de magasinage des consommateurs et consommatrices.
L’entreprise a officiellement déclaré faillite le 21 octobre 2014. Aucune date n’a été révélée depuis quant à la fermeture définitive des boutiques. Chose certaine toutefois, les 42 boutiques restantes cesseront leurs activités et 475 employés perdront leur emploi. Cela risque de créer un stress important sur les finances de ces employés et sur leur famille, et ce, à l’aube de la période des fêtes. Par ailleurs, bien qu’il n’y ait aucune indication en ce sens pour l’instant, il n’est pas rare que des employés ne parviennent pas à toucher la totalité de leur paie lors de la faillite d’une entreprise.
D’ici sa fermeture complète, Boutique Jacob Inc. écoulera les inventaires de ses magasins pour constituer l’actif de la faillite. Par la suite, tous les biens ayant une valeur de revente (vêtements, présentoirs et étalages, mobilier et équipement de bureau, etc.) seront saisis et liquidés. Les créanciers se partageront ensuite les recettes de la faillite, afin de combler une part de la dette que devait leur rembourser Boutique Jacob Inc. La première rencontre des créanciers est d’ailleurs prévue pour le 12 novembre 2014.